D'une langue à l'autre...
et textes
incidemment, sciemment
ou comme prétexte. Traduction.

 

ACCUEIL

Archives : D'une langue à L'autre

 

Printemps 2024

 

 

17 Poètes albanais contemporains.

Présentés par Nicole Barrière

 

Extraits de l’anthologie de Reshat Sahitaj :

La poésie contemporaine albanaise

  (traducteurs : Adem XheladiniBehare Rexhepi, Ismail Ismaili)

L’Harmattan (collection Accent tonique), mars 2024

 

Une image contenant texte, barrière de corail, graphisme

Description générée automatiquement

Voir l’annonce de l’événement de lancement

à notre rubrique LIENS

 

***

Préface

 

Si on devait traduire le mot Poésie de l’albanais vers le français, le mot adéquat serait Liberté !

Écrire et publier sont les maîtres mots de la galaxie poétique des pays de langue albanaise car il y a un enthousiasme réel et une luxuriance dans la création. Cette floraison abondante se traduit également dans la diffusion grâce aux traductions, aux prix, dans les rencontres, festivals et sites poétiques.

Si on devait élaborer une cartographie de l’espace poétique albanais, on verrait apparaître différentes régions avec la poésie des Albanais d’Albanie, du Kosovo, de Macédoine du Nord, du Monténégro et dans les diasporas sur différents continents et pays du monde.

Même si les 75 auteurs viennent de pays différents, que chacun a grandi et été éduqué avec les cultures des États où ils vivent, il n’y a pas une grande différence d’esprit dans les poèmes qui semblent être écrits dans un même espace et un seul État. Le foisonnement des styles et genres poétiques ont pour socle commun la langue albanaise qui traduit aussi bien l’oppression et la censure, la résistance et l’exil, que l’amour et l’expression de la vie sociale, spirituelle et philosophique.

Les poètes de l’ancienne génération ont créé au temps de la dictature et se sont distingués par leur courage en écrivant contre le système oppresseur et pour cela, ils ont été arrêtés et incarcérés, pendant des années de prison ferme. La nouvelle génération (que l’on surnomme les poètes de la démocratie) adopte d’autres styles et sujets d’inspiration. Chez les poètes de la première génération on trouve au premier plan de l’écriture du combat, de la résistance pour la libération, tandis que dans la nouvelle génération, on remarque l’amour mais aussi l’admiration et la fierté envers les anciennes générations, pour leur lutte grâce à laquelle aujourd’hui existent la liberté et l’espoir en l’avenir.  

Dans la plupart des poésies, se cache le message du passé terrible du peuple albanais à travers l’histoire, mais les poètes l’enveloppent d’espoir en un avenir prometteur comme on peut lire dans ces vers :

« Dans le bateau de la mémoire,

Flotte au loin,

Le désir endormi dans le berceau,

Sur la flamme de la bougie,

Vers le temps… »  (page 9)

En réunissant 75 poètes de langue albanaise, l’objectif est la transmission de l’histoire et la culture d’un arrière-pays sensible, d’un socle commun peuplé de héros, de combattants, de femmes et d’hommes du peuple, de légendes oubliées, de fragments réunis en une seule voie/voix qui sont autant de mémoires pour les absents et disparus que de promesses d’avenir pour les vivants.

Cette anthologie de la poésie albanaise contemporaine permettra au lecteur de découvrir des poètes émergents et de redécouvrir des poètes majeurs dans la liberté et le renouveau de leur écriture. Elle est aussi un outil dynamique de dialogue pour les poètes entre eux, quels que soient leur nationalité ou leur pays.

 

Reshat Sahitaj et Nicole Barrière

Janvier 2024

 

Choix de poèmes

 

Adem Xheladini

Adem Xheladini (Macédoine) a étudié dans la branche Langue et Littérature françaises de la Faculté de Philologie, à l'Université de Prishtina où il a également effectué des études de troisième cycle. Il écrit en prose, poésie, théâtre, critique littéraire et journalisme. Il a également réalisé plusieurs films documentaires.

 

Rien que moi!

Dans le bateau de la mémoire,

Flotte au loin,

Le désir endormi dans le berceau,

À la flamme de la bougie,

Dans le temps,

Chevauché par les rêves,

À travers le long chemin,

Là,

Où le tic-tac de la nostalgie,

Compte le moment attendu,

Sur la fenêtre des années,

Couverte de brume,

Ici,

Rien que moi…

Et devant la lueur des bougies,

Enveloppé,

Dans les braises du feu,

Se consument

Les rêves,

Restés,

Dans le tiroir!

 

Alma Zenellari

Alma Zenellari est née dans la ville de Kuçova. Lauréate de plusieurs prix littéraires en Albanie et à l'étranger. Elle a reçu le titre d’Ambassadrice de la Paix en 2017. Sa plus haute distinction est le prix VEXHI BUHARAJA, ainsi que le prix Poète de l'année 2022. Elle est diplômée du Département de psychologie du développement et scolaire de Tirana.

 

Je suis une femme d'avril

Tu as patienté et tu m'as attendue

Chaque jour

Pendant des mois,

En toute saison.

(Toutes les attentes sont associées

à mon nom.)

Tu chantais la chanson des perce-neige

J’ai interprété cette chanson

Ta prière enflamme les lèvres

Ne pars pas, ne t'échappe pas

Tu m'admirais au-delà des mots

Pourtant, je suis une femme du mois d'avril

Je ne reviens qu’avec les fleurs...

Pourtant, je suis une femme du mois d'avril

Je reviens avec les hirondelles

Avec leur bec, je tisse la mélodie du matin.

J’arrive pour célébrer l'arrivée du printemps...

(Sous la chemise du printemps,

les violettes sortent leur tête.)

Tu m'as aimé au-delà des mots

Tu as patienté une éternité...

Désormais, je sais que dans ton âme.

Il n’y a pas d’autre hirondelle.

 

Azem Zogaj 

Azem Zugaj (Kosovo), né à Turjakë en 1951. Il est diplômé de l’Université de Prishtina où il a poursuivi ses études de troisième cycle. Il a travaillé comme journaliste pour la Télévision Nationale.

 

Les rivières de Babylone

Même si je ne te revois jamais

le chant des fleuves de Babylone

s’entendra à nouveau

le soldat aura dans le cœur

plus de feu et de flamme

que le feu et la flamme

 

Même si je ne te revois jamais

chacun sera différent

sauf deux yeux

et quelques souvenirs ravivés

chacun sera différent

les rivières de Babylone ne seront jamais

à sec

Et l'espoir ne fanera jamais dans le cœur

du soldat.

 

Begzat Baliu

Begzat Baliu (Kosovo) est professeur d'université, albanologue, publiciste, écrivain et éditeur. Il a été chercheur scientifique à l'Institut albanais de Prishtina (1996-2005) puis professeur régulier à la Faculté d'éducation de l'Université de Prishtina. Conférencier lors de plusieurs conférences scientifiques nationales, régionales et internationales. Auteur de nombreux ouvrages académiques dans les domaines de la linguistique, de la littérature, de l'histoire, de la culture et du journalisme. Organisateur et coordinateur de nombreuses conférences internationales dans les institutions universitaires et scientifiques de Prishtina, Prizren, Skopje, Tirana, Korça, Shkodra, Varsovie, il participe à de nombreuses conférences organisées par d'autres centres internationaux. Membre de l'Association Internationale des Écrivains et Critiques

 

Célébration de Noël dans la cathédrale « Mère Teresa » à Prishtina

La fête de Noël a atterri à Prishtina

Entre le froid et la brume noire, comme

les contes de fées de nos grands-parents

La cathédrale "Mère Teresa"

est agenouillée, détruite par la culpabilité

La reine Teuta oubliée de l'Europe,

attend dans le premier fauteuil

Elle est silencieuse comme surgie

des peintures naïves d'Amanda Wite.

Des politiciens sans foi en Dieu

sont sur le point d’arriver

Des soldats maudissent Dieu à chaque fois qu'ils donnent des ordres

Des voisins musulmans qui fêtent

Saint-Georges le 6 mai!

Il fait nuit et le brouillard dense de Prishtina recouvre la cathédrale !

Elle se déplace lentement à gauche

et à droite, yeux ouverts vers le Christ

Il fait froid et dans l'obscurité du brouillard

La cathédrale "Mère Teresa" glisse verticalement dans l'obscurité

Une lumière, seulement une lumière apparaît

au début du siècle dernier

Des voix inarticulées viennent de l'extérieur

Des voix entrent par la porte, par la fenêtre,

par le porche du clocher

Ce qui se passe

Reine, femme, reine ou diseuse de bonne aventure

Qui es-tu?

La reine Teuta se fige

comme dans un tableau naïf

et on ne peut pas la déplacer.

Même les cloches, les carillons de la cloche

ne sonnent pas d’en haut, mais montent

des profondeurs de la terre

Les voix s’amplifient mais restent inarticulées

La femme hurle à l’arrière

de la Grande Porte

Les grandes fenêtres de la Cathédrale

sont ouvertes

Il fait encore sombre et brumeux dehors

-noir absolu-

Les voix mixtes sont de plus en plus nombreuses

L'obscurité les rend plus effrayantes

qu'elles ne le sont

La reine Teuta revient du Christ Roi

La foule prie : Allah! Allah! Allah!

Priez, Votre Majesté, priez,

ce sont aussi des croyants en Dieu !

Le Christ-Roi tend les mains très haut

mais sa voix ne s’élève pas

et n'est pas entendue

Des centaines de personnes :

hommes, femmes, enfants, entrent

avec des torches allumées à la main

Ils entrent par les grandes portes,

par les fenêtres, par le porche

Paix ! Paix ! Paix !

Réconciliation ! Réconciliation !

Réconciliation !

Ils s'approchent de la femme brisée,

du Christ-Roi

L'espace d'un instant, le Dôme

de la Cathédrale s'ouvre

simultanément avec le ciel

La cloche ne cesse de sonner

Tout le monde lève la main et voit les âmes

de Skanderbeg et de Mère Teresa s'envoler.

La cloche sonne sans cesse

Les citoyens lèvent les mains

ou font le signe de la croix

Ils tombent à genoux et prient

comme dans une mosquée

La reine Teuta s'adresse au Christ :

que se passe-t-il, Votre Majesté

Au lieu de torches, les citoyens tiennent

des livres de prières

(Elle s'approche de chacun d'eux

et les regarde, surprise)

Christ : ils n'ont pas la Bible, le Coran,

la Torah !

 

Au lieu de cela, ils ont le livre

« Les Serpents de sang » d'Adem Demaçi

et «Le Prophète» de Khalil Gibran.

Grand Christ, où es-tu ?

Mon Dieu, qui es-tu ?

                                                 

 Prishtina, les 24 et 25 décembre 2015

 

Bilall Maliqi

Bilall Maliqi (Presheva, Serbie) est né en 1969 dans le village d'Elez Bali, municipalité de Presheva. Il est diplômé de l'École de graphisme et de journalisme. Il écrit de la poésie et de la prose pour enfants et adultes, de la critique littéraire et du journalisme. Il est l'auteur de 40 œuvres littéraires différentes. Il est membre du LSHK, président honoraire de l’Association des écrivains Feniks (Kosovo oriental), président d'Atunis Lugina. Lauréat de nombreux prix littéraires. Il est présenté dans diverses anthologies et revues. Il vit et travaille à Preshevë.

 

Vœu

Je veux entrer

Dans les fragments

De ton silence

Je te fais une demeure

Pour quelques temps

    Long

           Long

jusqu'au

désir flétri

Se mouiller

de ta fluidité

Et le

ressusciter de la mort

            ressusciter de la mort

Comme le Phénix de ses cendres.

je veux embrasser

Regarder de plus près

Et de loin

Comme un

corps

          un corps

que les vents bercent

pendant les saisons humides

Congelé

 

Laisse-moi entrer

Lentement

Dans ton corps chaud

De nymphe

Te mouiller

         Te mouiller

Dans la rivière tranquille

D'amour.

 

Demir Reshiti 

Demir Reshiti (Kosovo), né le 24 juin 1963 dans le village de Bresanë, municipalité de Sharri (Dragash, Kosovo). Il écrit de la poésie, de la prose et des articles de journaux. Il a publié 11 livres et participe à de nombreuses manifestations littéraires organisées au Kosovo, en Albanie, en Macédoine.

 

Amour Différent

Quand j'aime je deviens fou

Et en moi l'amour devient fou,

Les cris se brisent en éclats cachés

je suis tout, pleurs et rires,

Je vois comment les sentiments s’anéantissent

Devant la loi de la raison

Comment le Soleil me rend

quand la Lune meurt ?

Étourdis l'amour

Moi, je deviens fou

À genoux, j'attends l’arrivée 

des victoires,

Pourquoi êtes-vous surpris ?

L'amour me vient différemment

Je deviens fou quand j'aime

Oui, l’amour me rend fou.

 

Dhimitër Pojanaku

Dhimitër Pojanaku (Albanie) est né à Pogradec, en Albanie, le 28 août 1956. Il a publié plusieurs volumes de poésie, La pluie lit ma tristesse, Du matin et un peu de nuit, Les diables dansent la polka, Les rivières rentrent chez elles, Martha. Il est lauréat du prix La plume d’Argent en Albanie et de nombreux prix et distinctions internationaux. Ses poèmes sont traduits dans plusieurs langues.

 

Martha

J'ai vu Martha sept fois aujourd'hui.

Au baptême de Naumildi,

Telle une flamme sortant des icônes,

Elle était parée d'une robe rouge et jaune.

Du jeune Gjokë,

Situé là où se trouvaient les fonds baptismaux,

Quelques larmes

Ont perlé sur sa cape grise et noire,

Même le prêtre s’est tu

À la grille des tombes,

Je l'ai vue.

De ses doigts, elle a enlevé lentement

le lait blanc des joues roses.

Quelques morceaux de terre humide.

J'ai vu sa silhouette à deux reprises

alors qu’elle se promenait dans le bazar.

Une fois, elle regardait de fines porcelaines chinoises comme des paysages de l'âme.

La fois suivante, elle essayait un sac

de randonnée

Il m’a semblé

Que les sangles bordaient la peau

comme deux bretelles de chemise.

 

Je l'ai vue terminer la journée aussi facilement,

Comme les rideaux d'une fenêtre.

 

 

La septième fois, je l'ai vue aller

au cocktail,

Perchée sur de hauts talons

dans l'indifférence de l’adolescence.

 

J'ai vu Martha sept fois aujourd'hui,

Marta ne m'a pas vu.

 

Quand ses yeux se sont tournés vers moi,

Des vapeurs de joie recouvraient les miroirs

 

Faruk Tasholli

Faruk Tasholli est né en 1958.  Il est diplômé à la Faculté de Philologie, Département de Littérature et de Langue albanaise à Prishtina, où il a également suivi des études de troisième cycle. Parallèlement à ses études, il était journaliste depuis 1980 et, pendant plusieurs années, rédacteur en chef de la rubrique culturelle du journal étudiant Bota e re à Prishtina. À partir de 1988, il a rejoint la rédaction du programme culturel de Radio Prishtina, où il a travaillé jusqu'au 5 juillet 1990, jour où les forces de police serbes ont fermé la radio et la télévision de Prishtina en langue albanaise.  Il vit actuellement à Aix-la-Chapelle, en Allemagne.

 

Hurlement des femmes violées

Nous, les violées de la dernière guerre

Ne sommes pas des femmes qui changèrent

de lit,

Pour un morceau de honte gravé

sur le front.

 

La pierre de notre amour pèse si lourd

Tant qu’il ne bouge pas dans le cœur. Oui

Il fut brisé en morceaux quand débarquèrent

les terribles Meurtriers devant nos pieds –Attachées –

 

Quelqu'un fut tué avant la traversée 

de la rivière

Quelqu'un avec un enfant serré

contre sa poitrine

Ressentir parmi les malheurs –

La dernière caresse

 

De nous, ô, nous, ô

Comment la balle ne nous a-t-elle pas touchées ? 

 

Nous nous tuâmes en esprit et là,

Là, nous gardons la mort

la bouche fermée comme une coupe.

 

Nous les femmes violées lors de la dernière guerre

Ne demandons rien de plus que l'amour.

 

Nous seules, savons ce qu'est le malheur

de l'âme plantée de blessures

et maintenant,

elle nous manque.

 

Il suffit de venir dans notre dos

juste un index et un meurtre

comme le chœur triste nous blesse.

 

Si vous voulez apercevoir un instant

la Liberté

En tant qu’édifice,

Venez mettre l’oreille dans ses fondations,

Là, où furent murés nos cris

Comme le corps de Rozafa.

 

 

Ibrahim Berisha

Ibrahim Berisha (Kosovo) a étudié la philosophie et la sociologie à la Faculté de philosophie de Prishtina. Il a complété ses études de maîtrise à la Faculté des sciences politiques de Zagreb et à la Faculté de droit de Prishtina. Docteur en sociologie des communications. De 1978 à 1999, il a travaillé comme journaliste et rédacteur en chef dans les quotidiens Rilindja et Bujku.

Fondateur du Centre d'information du Kosovo (1990) et son dirigeant (1991-1993).

 

Enfer stupide

C'est la fin,

nous étions une montagne fragmentée

Sans le vouloir, ma chère

 

Nous étions un secteur à l’écart

Et nous étions des astres séparés

Au travers, ma chérie

 

Nous étions une rivière divisée

Voilà, c'est lamentable

Franchement, à quoi nous ressemblerions.

 

 

Kalosh Çeliku

Kalosh Çeliku (Macédoine), né le 13 février 1951 dans le village de Cërvicë à Kërçovë, Macédoine du Nord. Il a terminé ses études primaires dans sa ville natale. Lycée normal à Shkup. Il a étudié la langue et la littérature albanaises à l'Université de Prishtina (Kosovo).

Çeliku écrit de la poésie et de la prose pour enfants et adultes et a publié plus de cinquante livres. Çeliku est lauréat de plusieurs prix de concours littéraires de poèmes, de contes et de pièces de théâtre. Parallèlement, il reçoit des prix littéraires aux États-Unis, Macédoine du Nord au Kosovo, en Albanie et en Grèce. Sa création littéraire a été traduite en plusieurs langues : macédonien, allemand, turc, bulgare, roumain, grec, etc.

 

Mon seigneur bien-aimé, prends tout

Mon cher Seigneur, prends tout :

Les champs. Les prés. Les montagnes

de mon père!

Les livres aussi. Les peintures. Les photos.

Les nuits et jours qui vivent

dans la bibliothèque.

Et Moi comme Poète « ennemi ». Rebelle

Mais pas l'eau-de-vie de raisin. LE VIN

Des femmes fidèles. La Poésie. L’Albanie!

 

La richesse qu'il peut obtenir aujourd'hui

Seulement la rivière de Zajazi. L’Enfance.

Cette fois-là, je dansais dans la cour

Nu. Poète sans culotte, sous les saules :

il nous accompagne jusqu'à la Patrie,

De ses tendres caresses,

 

La raison, est qu’aujourd'hui,

tu n'as pas non plus la foi,

Tant que vous punissez l’Albanie

par l’enfer ?

Et avec le Ciel. Fleurs,

Mariage esclave !

 

Lan Qyqalla

Lan Qyqalla (Kosovo), diplômé de la Faculté de philologie, branche de la langue et de la littérature albanaises à Prishtinë. Il a une thèse de doctorat enregistré à QSA à Tirana. Il est membre d’Académie albanaise-américaine des sciences et des arts à New York. Il a publié les livres : Lacrima Cuvantului (Loti i fjalës) poesi,  Bukuresht, 2016, LORA, poesi, 2017 Prishtinë, Pashaportul uburii, poesi, Bukuresht, 2018, Lora, mon amour, A L'ombre des muses, Paris, L’Harmattan 2019.

 

Le musée du poète

Le Poète,

Remplit les mots avec des couleurs

qui évoquent la prairie

évoque des souvenirs avec des cartes déchirées

On ne peut pas croire aux merveilles

des Fées de la Montagne...

Offre de l'affection au monde !

 

Le Poète

cuisine sur la table, la poésie

Les vers se renforcent au château d'Arberie

 

Le Poète,

tempête solaire, apporte en cuisine

chaque vers tamisé avec amour

le feu de la parole brûle le rôti.

L’univers dont tu ignores tout

Est gravé avec précision dans le cristal...

Dans la harpe poétique,

les mots sont tassés

 

Le Poète,

rêve de la Reine, illuminée par la torche.

Dans la caverne, on découvre des diamants gravés.

 

 

Meri Bo

Meri Bo (Besa Lami Bofja), née à Laç (Albanie), où elle a grandi et suivi une formation de violoniste et de flûtiste dans l'enseignement général. Elle vit depuis de nombreuses années à Athènes (Grèce). Auteur de deux recueils de poésie : Un des poèmes, Secrets de l’âme.

 

L'alchimie de l'amour !

Celui qui voit l'obscurité n'est pas

en quête de lumière

l'amour s’abrite dans la lumière,

et l'amour est le sang de l'éternité.

Au moment où l'âme, tremble dans le noir,

bat des ailes et entame le pèlerinage,

illumine les étoiles dans le ciel nocturne.

Demande-moi si je t'aime vraiment ?

Les étoiles brillantes n’ont pas parlé,

Ni moi, ni les yeux aveugles de la nuit

ne parlaient,

l'amour restait muet.

Une vie heureuse n'est pas celle-là,

qui n'est remplie que de soleil,

le soleil, au-delà de la lumière,

te brûle aussi,

au nom du combat avec la nuit.

L'arbre se distingue par les fruits,

par les feuilles,

non par les racines

Ainsi, les fruits de l'amour ont pris racine

dans mon cœur,

tout comme les étoiles au cœur du ciel.

Il n'y a pas de fin, car tu es le prélude

Passion, enflamme les étoiles

dans mon âme.

Avec ce regard-étoile

Ce jour-là, tu as lié mon cœur,

Par l'alchimie de l'amour!

 

Nikollë Loka

Nikolle Loka (Albanie), né à Sang de Mirdita, le 25 mars 1960, vit et travaille actuellement à Tirana. Invité à des émissions de télévision et de radio consacrées à la littérature, il est éditeur et critique de plusieurs œuvres littéraires, principalement en poésie. Lauréat de plusieurs prix littéraires dans le pays et à l'étranger.

Auteur de neuf volumes poétiques en albanais et de trois volumes poétiques en italien (dont deux avec co-auteurs). Outre l’albanais, ses poèmes ont été publiés en italien, anglais, français, allemand, roumain et suédois.

 

Je t’apportai un arc-en-ciel

Je t’enverrai

un arc-en-ciel

et une demi-lune.

J’ai touillé

Les sept couleurs

en sept toiles d'automne,

je peins la pluie en suspension

la pousse vers toi

et la pluie devient brise,

parfum de mon rêve.

Je t’enverrai

un arc-en-ciel

et un demi-soleil.

j'ai mélangé sept couleurs,

en sept toiles d'hiver,

et j'ai suspendu la neige,

pour qu’elle ne tombe pas sur ton front,

en voyant

ton regard

déchu

dans les flaques de pluie.

Je t’envoie

un arc-en-ciel

accompagné de mon autre moitié.

Avec un aimant chaud

je traîne ton ombre.

Tu te perds dans le noir

de cette nuit

où l'espoir tombe

dans un abîme, se brûle.

 

 

Sali Bytyqi

Sali Bytyqi (Kosovo), né le 29 mai 1962 dans le village de Dejë à Drini. Il a terminé ses études primaires et secondaires à Ratkoc et Rahovec, tout en étudiant au Département de littérature albanaise de la Faculté de philologie de l'Université de Prishtina. En 2002, il a soutenu son mémoire de maîtrise intitulé "Fonction symbolique de la flore et de la faune dans la poésie albanaise contemporaine (1945-2000)" et en 2009 la thèse de doctorat "L'œuvre littéraire d'Azem Shkreli", à la même université. Il travaille au département de littérature de l'Institut d'albanologie de Prishtina.

Livres publiés :

Requiem pour chênes (poésie), Art Pena, Prishtina, 1994.

Labyrinthes du texte littéraire (critiques et critiques), Square, Prishtina, 2003.

In medias res (critiques), « Era », Prishtina, 2007.

 

Nous reviendrons

(À mes amis de la prison)

Les jours passent

Les semaines passent aussi

Les mois

Un an s’est écoulé

 

Un jour nous reviendrons

Sur la terre brûlée du Kosovo

Où tout nous attend

C'est là que se déroulera la grande réception

 

Combien nous ont accompagnés,

mais pas attendus ?

Combien nous ont attendus,

mais que ne nous reverrons jamais ?

 

Nous reviendrons

 

Même si nos maisons ne sont plus

Les chênes prospèrent sur la colline

Même si nos frères ne sont plus

Le vieux Drin nous réconfortera

Même si nos enfants ne sont plus

Le Kosovo couvert de sang se tiendra debout !

 

 

Shefqet Dibrani

Shefqet Dibrani (Kosovo) est né le 3 août 1960 dans le village de Gërdoc à LlapiPodujevë, Kosovo). Il a terminé ses études primaires dans sa ville natale, le lycée, cours de chimie-technologie à Kastriot (anciennement Obiliq), tandis que ses études de biologie-chimie ont été complétées au lycée pédagogique Bajram Curri, à Gjakovë. En 1984, il immigre en Suisse. En plus de sa formation professionnelle, il y pratique le journalisme et écrit de nombreux commentaires et traités politiques. Il publie des livres de poésie, de journalisme, de critique et d'études littéraires. Sa poésie a été traduite en plusieurs langues et est publiée dans plusieurs anthologies. Il a publié une quarantaine d'ouvrages de différents genres.

 

Le café du matin

Tous les jours à huit heures du matin

Il commandait deux tasses de café

À côté de la tasse, un peu d'amour

Il l'attendait et elle est venue

Elle a baissé lentement les yeux sur la tasse

Son regard a plongé dans ses yeux

tel un baiser

Et son amour désolé brûlait comme un silex

Elle a pris calmement la tasse de café

dans ses mains dorées

Elle l'a porté à ses lèvres rouges

Et sur la tasse de café, le rouge

a peint des lèvres

Son regard brillait

Surtout quand elle a embrassé les lèvres

de la tasse

Pendant un instant, elle a léché les lèvres

au goût de café.

Elle a posé soigneusement la tasse de café

sur la table

Pour adoucir la vie, il a jeté du sucre

Elle a blanchi le café noir de ses larmes

Mais ce moment de silence lui donnait

un nouvel éclat

Il lui a demandé si elle avait bien dormi

la nuit et si elle avait rêvé

 

Elle a pris la cigarette,

Et l'allumette à la main

Il a allumé la fine cigarette

tandis que s'enflammait son amour pour elle

Et les arabesques de fumée faisaient

des volutes de nuages

une fois encore ses lèvres ont pigmenté

la cigarette blanche

Qui s’est consumée à côté d'elle

Elle fumait des cigarettes et parlait peu

Mais son regard réprobateur a attisé

ses sentiments

Elle a éteint sa cigarette et en a allumé

une autre

Il a parlé puis a écouté

C'était nouveau. Des personnes passaient.

Elle a ouvert le parapluie sans un mot

Elle l'a embrassé, scellé ses lèvres

de son rouge à lèvres

Du tableau, ses joues ressortaient enflammées

Il était très excité par son baiser,

qui l’a sidéré.

Au bout d'un moment, il a pris le souvenir dans ses mains

Il s’est léché les lèvres, a siroté son café

et lui aussi est parti...

 

 

Sibel Halimi

Sibel Halimi est sociologue et poète. Elle est doctorante au Département de sociologie de l’université de Prishtina.

 

Recoudre le temps

Maintenant, que dites-vous ?

Le nouveau-né,

Comment le baptise-t-on?

Comment l’habille-t-on ?

Où trouver les berceuses pour son anniversaire?

De quel pays viennent les sagas?

Dans quelle terre a t-on enterré l’amour ?

 

Maintenant, que dites-vous ?

Que pouvons-nous dire à l’homme?

Quelle est son histoire?

une promenade au bord du vide?

une mouche sur le mur

qui tombe au hasard

 

Maintenant, dites moi

Comment baptiser le nouveau-né ?

Au nom de quelle histoire?

 

 

Sylë Ahmeti

Sylë Ahmeti (Kosovo) est né en 1962 dans le village de Baraina, municipalité de Podujeva. Il a terminé ses études de langue et littérature albanaises à l'École pédagogique supérieure à Prishtina. Il a commencé à écrire dès l'école primaire et secondaire. Fondateur et directeur du Groupe Littéraire du village d'Orllan. Il a publié continuellement dans des journaux et des magazines. Depuis 2000, il s'est engagé comme journaliste dans le journal traditionnel RILINDJA, jusqu'à sa fermeture, puis au quotidien KOSOVA SOT, où il exerce toujours le métier de journaliste.

 

L'histoire

L’Histoire

Marche dans toutes les rues

Bouge et observe

Elle suit chacun de nos pas

Elle les cache dans sa poitrine

Sous les haillons du nom

Puis elle déplie les confessions

Dans toutes les langues du monde

Se souvient de toutes les couleurs

Et des visages

Elle a les yeux perçants

Sur ses traces

Parfois elle boite

Et n'oublie jamais

L'accord avec le mot

Mais avec l'événement

Ça avance droit

Quelqu'un semble marcher lentement

Quelqu'un de trop rapide

On peut dire qu'elle boite

On peut dire que ça marche

Mais on peut dire ça...

Peut-être que l'histoire s'envole

Maîtresse de la vie et de la vérité

Le sommeil nocturne ne l'a jamais surprise

On dit qu'on l'a vu ensanglantée

Face à face avec des canons de fusil adjacents

Et au fil des épées émoussées

Elle n’a pas peur

Pas même avant les tempêtes les plus violentes

Pas même face aux blessures

On ne l'a jamais vu s'effondrer

Dans son long voyage

On l'a trouvée avec une tête de chien

Avec des dents d'ours et un corps d'homme

Avec les ailes d'une colombe et les griffes

d'un faucon

Avec une langue aussi longue qu'une épée

Elle continue de suivre et d’accompagner

Les vers des siècles

Quelque part elle guérit les vieilles blessures

Et un nouvel espace s'ouvre

Quelque part, elle éteint les incendies

Et quelque part, ça tue et ça brûle

comme la foudre

Et dans ses mémoires

Qu'elle tient sous le bras

Parfois du baume apaisant

Écrit quelques lignes

À propos des choses réelles

Parfois des mensonges

Nous la trouvons partout où nous la cherchons sur les chemins du monde

Ça glisse et ça passe lentement

Comme un serpent sournois à travers les traces du temps

Par temps ensoleillé et sur les routes verglacées

À travers des mares de sang

De joies et de désirs

Souvent enveloppée en noir

La grande maitresse de notre vie : l'Histoire...

 

 

***

Nicole Barrière, poète, essayiste, traductrice, éditrice, est bien connue de nos lecteurs : invitée au Salon de juin 2024, présente avec des poèmes aux rubriques Pieds des mots et Gueule de mots, ainsi qu’à cette même rubrique en janvier-février 2018 et en mars-avril 2020, elle a réalisé également le groupage Poètes d’Islande et, dans notre Bibliothèque Francopolis, Poésie afghane (septembre-octobre 2021).

 


Nicole Barrière - Poésie albanaise

      Francopolis Printemps 2024
Recherche Dana Shishmanian



Accueil  ~  Comité Francopolis  ~  Sites Partenaires  ~  La charte  ~  Contacts

Créé le 1 mars 2002