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Ce poème est l'invitation de bienvenue de Jean-Pierre Clémençon (membre de notre comité) dans les rives de cet arc-en-ciel de novembre. * C'est avec plaisir
que nous retrouvons notre plus jeune auteure, Sarah Godfroid,
belge au talent déjà confirmé. Stéphane
Méliade renchérit (en deux versions !) : «
J'aime le parti pris d'une certaine "originalité oblique",
dans le sens où c'est par l'assemblage et la respiration
d'éléments ordinaires que l'auteur parvient à
créer un univers extra-ordinaire. Débarrassé
de tout ornement, chaque vers prend alors l'étrange éclat
de la nudité. Version plus courte : au lieu d'en foutre
plein la vue, l'auteur en fout plein la vie. Deux textes coeurs
qui causent à l'oreille en y posant un baiser au passage
». Et Juliette Schweisguth
rêve : "un nouveau cheveu blanc me pousse dans la tête"
« On a la sensation que ce cheveu pousse en elle, dans
une tête-herbe, que ce blanc est un hiver plein de printemps...
il me fait rêver ce cheveu blanc et ensuite il est dit
: "admirer l'herbe qui pousse". Comme si une transparence se
faisait entre le dedans et le dehors, paysages intérieur
et extérieur se trouvent en harmonie, dans un printemps
qui prend son temps, dans un hiver qui se vêt de vert.
Je rêve ce poème qui prend le temps de "dénombrer
des oiseaux". » Ecoutez le début
:
Stéphane
Méliade, voix en ré : « Très structurés
dans leur progression, ces textes peuvent se permettre d'avoir
des prolongements très poussés et d'emmener loin,
en raison de cette structure. » Goûtez ces
quelques vers pêchés par Gertrude Millaire * Patrick Joquel, auteur confirmé et déjà publié en recueils ouvre à nouveau le son du silence. Savourez la simplicité et la douceur de sa présentation « J'aime autant la mer que la montagne, le soleil que la neige, les raviolis que les abricots et beaucoup d'autres choses de la vie» Son poème "Un soir de harpe" est un battement de coquillage, une marée au coeur. Les voix se livrent en vague : « En général, je n'aime pas les artifices de mise en page. Ici, c'est tout différent. Les décalages sont la main du harpiste qui court d'accord en accord. Les intervalles entre certains vers laissent la main revenir pour d'autres notes. Retour musical des doigts. La grande force du poème vient de ce qu'on l'entend, ce poème-harpe. Il serait à dire comme chez les anciens grecs le poème s'accompagnait justement avec des genres de harpes. Aucune faiblesse, aucune longueur. Le ton est majeur et sans faute. Parfait. » (Yves Heurté)
Nombre d'entre nous ont été sensibles à ce passage souligné par Hélène Soris : "de vieux pendus écrivent Quand Jean-Pierre Clémençon marche dans ces empreintes : "C'est noir partout * Jean-Marc la Frenière vous partage sa "Prière athée" et un bleu de mémoire dans "Hôtel du Nord". Suivez la leçon de poésie d'Yves Heurté : « Ici réunis ce qui me semble le fondement de la poésie : justesse et évidence. Le rythme ne se force pas à épouser l'idée. Le plus souvent sautillant sur des vers pairs six et huit. Parfois un semblant maladroit, un vers impair qui n'est qu'une respiration dans ce qui pourrait passer pour découpage psalmodique lassant. L'imaginaire est beau, léger et juste, inattendu. Si la poésie est dans le détail, elle est ici. "Prière athée" « un poil plus resserré » (Stéphane Méliade) atteindrait la perfection, mais on entre en communion avec cette prière d'oiseau.» « Ce poème a une respiration régulière que j'aime bien. "Avec des mots rescapés de l'enfance" oui cet auteur retrouve l'émerveillement d'un enfant, j'aime sa façon de "prier la nature", je ressens avec lui la si douce angoisse des jours où une aurore belle et transparente nous la fait redécouvrir. Et cette conclusion : "Chaque matin d'un mot est pour moi le véritable sens de la prière l'oiseau chante le bonheur de vivre je crois. L'oiseau n'a sans doute jamais parlé d'une supposée existence d'un dieu et sa chanson est pourtant un hymne. A la vie simple. » (Hélène Soris) "Hôtel du Nord" est « une vraie belle manière, exacte, pure, j'aime les descriptions/inscriptions dans la nature. » (Isabelle Servant). Quand Hélène Soris entre dans un devenir-oiseau : "L'oiseau ne retient
pas « J'aime imaginer cet oiseau qui écarterait les ailes pour tenter d'empêcher de pleuvoir. Ca me fait penser à Brel et sa chanson, ce passage "avec un ciel si bas".... » * Ile Eniger accoste pour la première fois sur le sable de notre île. Elle « vit dans un minuscule village de l'arrière-pays Niçois, entre le feu et la glace. » Son poème "Du feu dans les herbes" séduit par la tenue de sa plume, par son rythme surprenant et semble trouver son unité, son cycle dans ces sauts de saisons. Gertrude Millaire part « pour ce voyage à travers l'univers... on passe d'une neige au désert... on suit les saisons de ses émotions. "Alors, il neige bleu au centre du soleil." ». Avec cette « phrase émouvante » "les pauvres de Noël désossent leur misère" ce poème emmène Hélène Soris « dans un pays étranger très pauvre. Je suis déconcertée car le décor du second paragraphe est très différent. Mais il est magnifique aussi. (...) Et dans le quatrième cette vérité que je ressens profondément : "vieille avec celui qui part, jeune de celui qui vient". Pas poète !!? En tous cas d'une extrême sensibilité. » Karl Létourneau, concis, note « Strophes-chocs, des épisodes bien construits : drame, retour, magnificence, conclusion. Enfin je le lis comme ça. » Jean-Pierre Clémençon inscrit :"T'ai-je ouvert ? Comment m'as-tu trouvée dans ce perdu d'arêtes" « Très très belle entrée en surprise !!!! » Juliette Schweisguth est transportée et note des « extraits de braise » avant de commenter "Brutale, la mer prie en une plainte hostile" "Des mains "tu cueilles le monde pour ma main" On aurait envie de relever tous les mots du début à la fin tant l'écrit danse en harmonie avec les éléments, le jeu des sonorités qui en plus apporte un réel sens, une musique vous vient dans le coeur. "je ne suis pas poète" me surprend mais peut-être est-ce le cri de cette femme élément. Elle peut bien le crier ce "je ne suis pas poète", je le comprends, comprends que son corps résonne avec la nature, le rythme des marées, du désir... Il y a du feu, de la glace, du vent, de la terre et de la mer et des arbres et du désert et de la tendresse il y a de tout dans ces mots qui prennent vie. Ca vibre !!
Arnaud Delcorte, jeune auteur belge, fait lui aussi son premier atterrissage dans notre port et vous embarque dans sa croisière de mots avec quatre poèmes "Saisons", "Animal", "Le corps du rêve" et "Suite américaine" qui ont déclenché des réactions très diverses. Dans "Saisons" Karl Létourneau y voit « Une parenté certaine avec certains jeunes poètes québécois, notamment Bertrand Laverdure cf. "Audioguide": dans la force du discours, aussi avec le langage très particulier, nouveau, téméraire évocateur et éloquent. Images fortes et sans demi-mesure. » Stéphane Méliade rajoute « C'est inventif et précis, étonnant et remplace Pathos par Porthos/Aramis/Athos/D'artagnan. Ça s'escrime bien, et à la fin de l'envoi, ça touche. » Juliette Schweisguth se questionne « J'ai un rapport ambigu à ce texte, cette écriture c'est très travaillé, parfois trop précieux, mais je ne sais pas, il y a quelque chose qui m'emporte et me retient. Ce petit passage surtout : "Et imprimons l'encre
nue des contes Parfois aussi j'ai l'impression que ça pourrait devenir un poème oral, même autant travaillé dans l'écriture, je sens quelque chose dans le ton, dans le rythme qui m'emporte. » "Animal" retient Jean-Pierre Clémençon « peut être pas par sa poésie, mais par la constatation "Notre amour incendiaire souligne la difficulté d'être" .....qui me semble tellement juste! » "D'une manière
moins bénigne
Hélène Soris retient "la métaphore de l'orchidée. Vrai cette fleur donne l'impression de dissimuler des secrets. Et l'auteur a envie de "disséquer" la vie simple dirait-on. Mais le jeune arabe lui reste simple. Ca me plaît cette idée.» "Suite américaine" a pas mal étonné par sa rupture et sa singularité. Voici quelques commentaires : « Bingo, j'ai bronzé en le lisant, mon âme s'est burinée et j'ai de drôles de signes partout sur moi. » (Stéphane Méliade).« C'est celui que je préfère. Il nous invite à l'accompagner dans son voyage puis nous présente un personnage que je vois facilement. Le personnage resté présent et il me plaît c'est un artiste qui aime faire rêver. J'aime bien ceci un peu initiatique : "Quelques temps à
vivre Et les tableaux emportés existent-ils vraiment ou seulement dans l'imagination de l'auteur? Oui, belle promenade. J'ai été dépaysée quelques instants. » (Hélène Soris) *
Denis Moreau se découvre à vous avec deux poèmes, "L'homme du septentrion" et "Maha Moho", aux formes étranges, au rythme envoûtant. « Il me manque sans doute pour être saisi un appoint culturel avec la force que je ressens dans ce qui est dit. Je pense à l'art de ces masques, grands négociateurs avec la mort. » dit Yves Heurté. "L'homme du septentrion"dont l'écriture séduit malgré un manque apparent d'unité: « Quand je lis j'imagine un décor de théâtre je vois très bien ce personnage un peu extra-terrestre. Les longs membres surtout à la fois fascinants et effrayants. Drôle de sensation.» (Hélène Soris) "Non loin de là
le ventre froid d' une mère Pour Hélène Soris "Maha Moho" est « une sorte de danse rituelle." "Maha Moho m'attire, renchérit Isabelle Servant, je suis fascinée par la répétition lancinante du nom, comme un rituel, il me semble voir des divinités indiennes se dérouler dans des temples » « On dirait un esprit polynésien. Doué, en tout cas, il va exactement où il veut. » (Stéphane Méliade) "Maha Moho est la parole
prononcée par une bouche de peaux mortes à travers * Bing, bang et
badaboum, notre ami Thierry Roquet fait un retour
tonitruant ce mois-ci encore avec "Drôle de couple" et
"Roulette russe", deux
nouvelles originales, détonantes et un brin insolentes
! Attention aux éclats ! "Drôle de couple" « Je trouve cela sain d'explorer des avenues comme celle-ci, ce genre littéraire : dialogue avec quelques passages bruts, sans polissage. Je ne saisis pas tout dans ce texte, mais l'atmosphère me plaît. » (Karl Létourneau). « Mais c'est génial ce dialogue, une sorte de poème pièce de théâtre un humour, et cette fin à vous glacer votre homme ;-) Mais vraiment y'a ce côté décalé, ces phrases tranchantes, ces "pourquoi" et cette atmosphère qui font que ce dialogue théâtral est aussi un poème, je sais pas, je suis soufflée !! » (Juliette Schweisguth) Et pour aiguiser vos dents, voici une petite reprise incisive de Jean-Pierre Clémençon : « drôle
de couple parce que la
lame est bien aiguisée dit-elle!!!!!!!!!!!!! Dans "Roulette russe" il est « Habile à jouer avec l'exagération, la schizophrénie. » (Karl Létourneau) Oui cette "Roulette
russe" a une certaine force !! C'est bien écrit, c'est
rondement bien mené. Le talent est bel et bien visible
!! De plus il y a une vraie réflexion dans cette roulette
russe, le titre est très à propos et éclaire
le texte mais le texte nous laisse la surprise aussi, il ne colle
pas au titre, ils sont l'ombre et la lumière l'un de
l'autre. *
Voici quelques échos de nos voix : « C'est
délirant mais l'auteur nous accroche au trapèze
de cet enfer. La famille de Bosch portée au cirque. L'auteur
va jusqu'au bout de ses idées et moi jusqu'au bout de
son texte. » (Yves Heurté)
* Michèle Metni Gharios, auteure libanaise, notre dernière invitée de novembre, vous présente Prise surprise, un témoignage photographique et Un refuge dans les yeux, une nouvelle très prenante. Dans "Prise surprise" Gertrude Millaire garde cette réflexion : "que les petits s'étaient donné le mot, décidés à détourner le regard, comme si, en voulant se fixer sur du papier au lieu de fixer du papier, ils contournaient délibérément la réalité en lui faisant le plus effronté des pieds de nez. " "Un refuge dans les yeux" touche beaucoup Yves Heurté « par son universalité et son tragique journalier. On se venge sur celui qui est sans défense de ses propres échecs. C'est l'éternel bouc émissaire, et c'est aussi l'évasion dans un monde rêvé où on n'est pas celui qu'on sacrifie mais celui qui vit pour lui-même. ». Stéphane Méliade devient bien gourmand « C'est savoureux et ça sent bon. Un texte-fruit. » Quand Juliette Schweisguth est conquise « "Vite, de l'air dans ma tête, du soleil dans mes poumons" : J'aime. J'aime cette écriture, et l'on a l'impression d'assister à une sorte de danse, il y a du mouvement dans les êtres, et comme un moment de respiration à plusieurs. Ces mouvements extérieurs des êtres et de leur corps, et le mouvement interne de l'adolescent et de l'arbre ami qui le permet d'être libre en lui. Danse entre la mère et l'adolescent, danse entre l'adolescent et l'arbre : deux danses différentes. J'aime beaucoup ce moment : "Oui, je ne suis pas fait
comme elle en a rêvé. Il y a de l'humour dans cette nouvelle poétique, et une grande qualité d'écriture. Pour moi c'est une excellente prose poétique. » *
Enfin, l'invitation au voyage aurait un goût de trop peu sans une visite dans la page consacrée à Karl Létourneau et ses fraîcheurs gaspésiennes dans notre salon de lecture. Vous y découvrirez ses mots simples pour des vérités indécises et pourtant touchant d'amples territoires d'émotion, remuant de ci de là ses mots "dans un mauvais rangement des saisons".
*
Juliette
Schweisguth pour le comité de Francopolis - novembre 2003
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Créé le 1 mars 2002
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