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LES PIEDS DES MOTS

Où les mots quittent l'abstrait pour s'ancrer dans un lieu.

Ce mois de juin 2005 :

Ronde des ballons

par

PHILIPPE VALLET

(France)

Faire connaissance avec l'auteur et sa bibliographie sur Pleut-Il

Le très beau Eau de matin clair, , texte publié en juillet 2003 sur Francopolis

Précis de collines , un texte de Philippe Vallet le site Poètes contre la guerre

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 Ronde des ballons


Ronde des Ballons, montagnes douces !
Du temps l'usure
la pluie et le ciel bleu
quelques glaciers anciens
des crêtes paisibles la caresse de l'air.
Les forêts sont toisons
chaque pèlerin de son regard
écarte puis découvre entre les deux rives de la vallée
une éternité
des secrets bien cachés.

Ronde des ballons, montagnes douces !
l'hiver ou l'été offrent leurs faveurs
juste assez haut pour contempler l'horizon
le vent prend quelques airs de tempête
il souffle simplement
ici les arbres se sont couchés en grandissant.

Ronde des ballons, montagnes douces !
Faut-il croire les sentiers ?
leurs lacets lient la montagne
offrent des courbes
des variations illimitées
ils ne montent jamais trop, le pied choisit sa pente.

Ronde des ballons, montagnes douces !
Le peuple rude sait le poids de la terre
de ses cailloux
il connaît autant le soleil que les dures gelées
ses mains et son dos tracent leurs chapelets de survies
sur la pente des Ballons.

Sur l'envers il y a l'ombre
la mousse cramponnée
l'humide coté de la montagne fait fuir un soleil trop bas.

Les bruits d'une ville imaginaire
sous les branches courent
résonnent entre les troncs
à l'écho de mes pas
la réponse du silence : l'esprit fugitif de la forêt
pose l'empreinte
mon souffle.

Présente solitude
présence servitude
le temps se retourne
derrière les brisées de ma piste
je sème l'instant, une graine
je nourris ma saison
l'invisible fixe le secret
c'est l'énigme de mes yeux ouverts.

Du sang rouge qui frissonne
dans le profond de mes distances
se forment les mots
élèves de ma langue
paroles d'un réveil.

L'histoire s'écrit au ciel
plutôt que dans le corps
parfois l'inverse.

Comment ne pas aimer ce matin bleu
le vert turquoise du torrent au repos
le gris des cailloux, le fond de l'eau.

La forêt respire le ciel
des pas tracent d'autres chemins

Comment aller un peu plus loin ?
Avancer chaque fois ?

Les mots accompagnent le pas
les pas valsent les mots
il me danse la langue
je rêve de revenir.

Sous le ciel la forêt respire
bruissement agité de feuilles
craquement de tiges croisées
la terre soulève ses sons
et de quelques racines bien mises
bien peignées
lève aux étoiles ses troncs
les troncs d'un jardin d'enfance
où s'ébattent lutins secrets
et l'étang vidé des chaleurs de l'été
patiente l'eau du grand jardinier
je patauge dans le reflet des étoiles
ensorcelé par la malice de l'ombre.

Le vent dans les arbres s'enfonce
secoue feuilles et branches
les poussières oubliées des dernières pluies.
Peut-on nommer le silence ?

Du frémissement bleu ciel
à celui vert d'un horizon végétal
faut-il dire ou écouter ?

Examen de réussite
pister sans mot
écouter et marcher
sentir le sol ?

Pieds et racines profondes vibrent
résonance palpable
délier nos semelles de la terre
de la croûte qu'elles portent
errer pieds nus
et muet se rassembler
se couvrir du soleil
au milieu des troncs colonnes
la voûte feuillage
l'abri, le refuge où respirer.

De la source qui suinte d'entre les pierres
écouter le murmure
suivre et partir
un songe où autoriser son souffle
le nommer peut-être ?

L'inflexible paraphe le temps
battu au poids des naissances
les fertiles histoires
de lambeaux d'écorces
signent sur le sable
une présence furtive
dans la montagne habitée.

Dans la lune en quartier
une étoile suspendue
le monde et sa terre s'endorment
le soleil passe de l'autre coté
la vie murmure, écoute !


Mémoire vive des forêts
sur le flanc des Ballons
courent les ruisseaux enchantés.

Elle frissonne la feuille de la hêtraie
elle bruit l'herbe de la pelouse du haut
j'entends, dans le ciel, le passereau.

Des sentiers, des chemins
tracés de l'homme et de ses pas
filent les souffles qu'ils respirent
perles sur le front de l'effort.

La montagne est peuplée de lignes invisibles
elles croquent au pied levé
des vies au jour le jour,
juste comme ça ! Pour exister.

La vallée se proclame son de clochers
annonce du crépuscule
avant de prier son retour
sans tarder.

Habite la montagne
elle sera moins haute à grimper
il suffit d'un peu de toi
ensemence les paroles
ces chants à partager
dans l'air tu peux envoyer
mots du coeur
le prélude pour s'envoler.

La terre est la montagne
elle résonne des corps qui tombent
le choc brutal d'une fin
l'éclat d'un cortège silencieux
de coup donné pour se taire.

Posez l'oreille, écoutez !
Les mains qui bougent
des enfants cherchent la route
les rires de leurs peurs s'entremêlent
la vie et les forêts profondes couvrent chaque ravine.

Dans la montagne rôdent les pistes d'un oubli
sans fin ni début
elles conduisent loin
nulle part.
Celui qui se perd sur ses pierres
du ciel ne suit aucune étoile
cherche une fin
trop tôt.

Habite la montagne terre
la boule consume les heures
parmi les galaxies
lentement sous mon pied je veux connaître
de l'infini je reçois la flamme
et ce soir j'allume
au plus prêt du ciel
le foyer
un feu
et ravitailler
pour une année le phare
il appelle dans les ténèbres tous les yeux
le bout du monde redressé.

Le feu réveille sur la montagne
tous ceux qui sont nés
chaque braise pose un rayon
et chacun peut
le peu qu'il peut
se suspendre et respirer.

Il est des hommes pour rêver
défaire leurs cliquetis.

Aux pensées rayons ou sèves chacun sait
il n'est pas de secret en ce monde plein d'histoires
chaque vague de silence porte ses mystères.

Nos lumières piquées au ciel
donne un éclat dépouillé sec.
Des mémoires cachées
empreinte de nos paniques
laissent sur les murs de nos oublis un ailleurs impossible
un goût de disparition.

Il est des hommes qui désirent
sur la place leurs mots révèlent
les insaisissables phrases des insouciances
elles glissent de lèvres silencieuses.

"Chacun entend quand il sait écouter"
de l'ancien souvenir une sagesse réveille
et tire le monde
et lance sur nos peaux fragiles
des images fidèles où s'abandonne l'espace de nos âges.

Sur la route il y a le murmure de nos pas
d'un commun mouvement
tu endimanches le toit du sang de tes artères
puis le ciel sous la polaire
mettra le feu au noir d'une nuit
pourtant courte sur la place du Ballon.
et juin en solstice nous dit : "l'été est là".

Ronde de Ballons, montagnes douces !
Le peuple rude sait le poids de la terre de ses cailloux
il connaît autant le soleil que les dures gelées
ses mains et son dos tracent leurs rondes de survies
ils dansent la Ronde des Ballon de nos montagnes douces !

Philippe Vallet 28.02.2003

        *********


Table des chroniques

Les pieds des mots de juin 2005, par Philippe Vallet, "Ronde des ballons" (haut de cette page)

Les pieds des mots de mai 2005, par Jean-Pierre Clémençon, "Apatride !"

Les pieds des mots d'avril 2005, par Florence Noël, "En premier lieu"

Les pieds des mots de mars 2005, par Pierre Lamarque

Les pieds des mots de février 2005, par Julie Portalis

Les pieds des mots de décembre 2004, De l'intime à l'infini par Jean Marc Lafrenière



Gueule de mots de juin 2005 : Monologue d'un tueur, par Umar Timol

Gueule de mots de mai 2005 : Humide, par Claire Ceira.

Gueule de mots d'avril 2005 : Sang par Arnaud Delcorte

Gueule de mots de mars 2005 : La connasse par Lazlo X

Gueule de mots de février 2005: l'Appel à l'évasion par Maud Pace

Gueule de mots de décembre 2004: Mots, par Bozena Bazin



Auteurs, vous pouvez vous aussi écrire une chronique pour Gueules de mots ou Les pieds des mots.


Le principe de Gueule de mots est de faire résonner un mot comme un instrument de musique, si besoin est avec une certaine force et/ou violence.

Le principe des Pieds des mots est de nous partager l'âme d'un lieu, réel ou imaginaire, où votre coeur est ancré.



Si vous voulez figurer dans ces pages, écrivez à Francopolis ou au responsable de ces deux rubriques


 


 

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